Var Matin, 28 Janvier 2011

Var L’actualité


Bientôt une salle de culte pour les frères de Plymout

La Valette La commune a vendu à cette association cultuelle un terrain et lui a accordé un permis de construire pour une salle de 600 m²

Dix ans. Une décennie à checher un terrain pour y construire une salle de culte. Les Frères de Plymouth ont trouvé l’endroit idoine.À La Valette-du-Var.Au début du mois de décembre, un permis de construire a ainsi été placardé sur
le tableau d’affichage municipal.
Un bout de papier parmi tant d’au tres. « Un permis de construire pour un terrain de 13500 m², dans le but de la construction d’une salle de culte (...), est attribué à l’association chrétienne des Frères de Plymouth. »
Le terrain sur lequel sera construite cette salle a même été vendu par la commune à l’association.Montant de la transaction? 611000 euros.
La délibération, présentée par l’adjoint à l’urbanisme Francis Colom bero, a été adoptée à la majorité lors du conseil municipal du 26 mars dernier. L’opposition votant contre.

Épinglés par une enquête


Pas de hic mais une intrigue. Qui sont ces Frères de Plymouth?
« C’est une communauté religieuse qui aime le Seigneur, résume Francis Colombero. Je me suis bien renseigné sur eux. Ils sont présents en France depuis deux siècles et à Toulon depuis 1928. » Les Frères de Plymouth sont une association tout ce qu’il y a de plus normal. Du moins sur le papier. Les statuts –
que nous nous sommes procurés – ont été déposés en préfecture du Var le 5 décembre 2003. « On ne peut pas refuser de délivrer un permis de construire à une association », poursuit l’élu. Construire une salle dédiée au culte est d’ailleurs mentionné dans l’article 2 des statuts de « l’Association chrétienne des Frères de Plymouth à Toulon Terre-Promise ».

Inspiré par John Nelson Darby

Voilà l’adjoint à l’urbanisme rassuré…Ses recherches ne l’ont, en revanche, pas mené jusqu’au rapport publié en 2006 par la Mission interministérielle de vigilance et de luttes contre les dérives sectaires (Miviludes). Dans celui-ci, les « Plymouth Brethren » sont épinglés par une enquête parlementaire sur « les sectes et les mineurs ». « C’est un mouvement rigide, détaille JacquelineBruguière, présidente de l’Association de défense des familles et d’individu victimede sectes (ADFI).
Ils sont issus du courant instigué par John Nelson Darby. Ce sont les protestants les plus traditionalistes que je connaisse. Ils appliquent la Bibleà la lettre.Attention, je ne dis pas que c’est une secte! Je parle d’un mouvement qui présente des caractéristiques sectaires à commencer par l’endoctrinement et le repliement sur
soi-même. »
S’il avoue ne pas avoir connaissance de ce rapport, l’adjoint tempère. « Ils n’ont jamais tenté d’évangéliser qui que soit. Ce sont des gens charmants, qui ont pignon sur rue. Je ne suis pas inquiet », conclut-il. Visiblement les ex-RG le sont un peu plus. Ils « connaissent » et (surveillent?) les Frères de Plymouth.
D’après nos informations, leur salle valettoise leur permettra de célébrer leur culte hebdomadaire.Mais surtout, elle accueillera tous les « frères » du grand Sud pourdes séminaires d’une envergure plus importante.
DAMIEN ALLEMAND
dallemand@varmatin.com

Un adepte : « Nous sommes de simples croyants! »

Autant le dire tout de suite : les Frères de Plymouth ne sont pas des méchants. Ce ne sont pas des apocalyptiques qui croient à une proche fin du monde ou qui
ont été enlevés par des méchants extraterrestres. Nous avons réussi à entrer en contact avec l’un d’eux :
G. B. Il habite à La Valette. A occupé un poste au conseil d’administration de l’Association chrétienne des frères de Plymouth à Toulon. Nous l’avons eu une dizaine de minutes au téléphone. Il était même « chaud » pour nous rencontrer. Puis il s’est rétracté...
Mais cette brève conversation permet déjà de démentir un point sur lequel la Miviludes attaque les Frères de Plymouth. Ils ont bel et bien le téléphone!
« J’ai même un portable, souri G. B. Et un ordinateur avec une connexion Internet. Je lis aussi les journaux. D’ailleurs, je suis abonné à Var-matin! »
L’acquisition du terrain à La Va lette? « Confirmé! » Mais il est plus énigmatique sur son dessein. « Vous le saurez plus tard », glisse-t-il.
Puis il se déride : « On veut faire quelque chose de beau. Le terrain est très difficile. Notre bâtiment sortira de terre dans un an et demi.On vous invitera
même pour son inauguration car nous n’avons rien à cacher. Nous avons déjà une salle à La Serinette (Toulon) et cela se passe très bien. »
G. B. se dit « conscient des ques tions que l’on suscite ». « Sur Internet,
on ne trouve que des bêtises sur nous. 80 % de mensonges! Nous vi vons comme les autres. »
Le rapport de laMiviludes? « N’importe quoi ! Un tissu de mensonges.
Nous étudions seulement la bible et nos enfants vont à l’école. La Mivi ludes nous surveille comme si nous étions desmalfaiteurs alors que nous sommes juste des croyants comme les autres. »

INTERVIEW EXPRESS
Georges FENECH, président de la Miviludes

« Pas dangereux pour les autres »

Étiez-vous au courant de cette installation?

Vous me l’apprenez. Il s’agira du 29 e lieu de culte des Frères de Plymouth en France.
Nous avons recensé environ 1200 adeptes. Dans neuf villes différentes.

Où se situent-ils par rapport aux autresmouvements?

Les Frères de Plymouth constituent un groupe important, mais moins nombreux
que les Raëliens et l’église de scientologie.

En 2006, la Miviludes avait mis en cause les Frères de Plymouth dans une enquête
parlementaire sur « les sectes et les mineurs ». Font-ils toujours l’objet de votre vigilance?

Bien sûr. Ils font même l’objet de notre vigilance depuis de nombreuses années. Avant même l’enquête parlementaire de 2006. Nous les surveillons de manière ordinaire. Pas plus que les autres groupes.

Pourquoi cette mise en cause?

Nous avions recueilli de sérieux indices de dérives sectaires.
Notamment concernant les enfants qui dès leur naissance deviennent Frère de
Plymouth. Il n’y a pas de recrutement. Tout se fait par filiation. Les enfants sont exposés à un fort isolement social. Le monde extérieur est diabolisé.

Quels sont leurs « interdits »?

Les ex-adeptes évoquent des règles draconiennes.
Ils refusent la télé, l’informatique... et les cours de biologies lorsqu’ils étaient à l’école publique. Ils n’ont pas le droit de partager un repas avec des gens qui ne sont pas frères. C’est un vrai refus de la convivialité et de la vie en société! Et que dire de l’existence de « séances de pardons publics » humiliantes!
Leurs enfants ne vont pas à l’école aussi...
Ils ont leur propre système éducatif avec des écoles hors contrats bien sûr. Nous veillons à ce qu’il y ait des contrôles des inspecteurs d’académie pour s’assurer que l’instruction donnée permette bien l’acquisition d’un socle commun des connaissances. Je rappelle que la convention internationale des droits de l’enfant stipule que l’éducation doit favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant.

Constituent-ils une «menace» pour leurs futurs voisins?

Pas du tout! Il n’y a aucune inquiétude à avoir pour les voisins. Ils ne font pas de prosélytisme, mais ils vont certainement provoquer l’interrogation. Ils ne sont pas
dangereux pour les autres. Seulement pour eux-mêmes.
PROPOS RECUEILLIS PAR D. A.

Le Billet de Damien Allemand
Le Var, c’est culte !

Le Var est le premier département touristique du pays (hors Paris). Aussi premier domaine boisé de l’Hexagone. Également premier territoire militaire de France. Mais le Var truste également une autre première place que nos édiles locaux ne sont pas près de crier sur tous les toits : le 83 se situe sur la première marche
d’un podiump lus confidentiel.
Celui du nombre d’adeptes de mouvements à caractère sectaire.
Près de quinze mille. Des Raëliens actifs à La Garde aux adeptes de la Fraternité blanche universelle à Fréjus, etc. Sans oublier la tentative (avortée) d’implantation
d’une église de scientologie à Toulon en 2006. Pourquoi cet attrait pour le Var? Question de «climat, d’environnement », estiment les ex-RG. Traduction? Les
adeptes sont tout simplement des gens ordinaires. Monsieur-tout-le-monde. Et comme pourrait le chanter Aznavour : « Le culte (comme la misère) serait moins
pénible au soleil. »

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