Néocatéchuménat : un parcours d'une vingtaine d’années
On reproche au mouvement une formation qui coupe ses membres du reste de l’Église
Dans la salle paroissiale de Sainte-Jeanne-d’Arc, à Meudon (Hauts-de-Seine), une trentaine d’adultes assistent à la 5e séance d’une «catéchèse pour adultes du Chemin néocatéchuménal» qui va durer deux mois.
«Ce soir, je vais vous demander qui est Dieu pour toi», prévient Alain Maurot, responsable de la communauté du Néocatéchuménat de Meudon, avant d’interpeller une jeune femme qui, sans se dégonfler, affirme : «Dieu me sauve dans ma détresse.» Son voisin, lui, reconnaît qu’il a «beaucoup de mal à entrer en dialogue avec le divin».
Le P. Mikel Echezarreta, prêtre espagnol du Chemin pour la communauté de Meudon, insiste sur la nécessité «de témoigner que Dieu agit concrètement dans nos vies». «La foi est une réponse existentielle et non pas intellectuelle», répète Alain Maurot en évoquant la figure biblique de Job.
Les membres n’ont guère de temps de fréquenter des lieux extérieurs
À la 15e séance, les participants à cette catéchèse, le même enseignement que celui dont parle le producteur Thierry Bizot dans Catholique anonyme (1), seront invités à une «convivance», lors d’un week-end, et pourront décider d’entrer en «Chemin».
De semaine en semaine et pendant de longues années, la nouvelle communauté (de 30 à 40 membres) accompagnée par son prêtre s’engagera ainsi sur un parcours divisé en trois phases : quatre années de «précatéchuménat», au cours duquel deux «scrutins» (terme repris au parcours catéchuménal de l’Église) invitent à recevoir la croix du Christ puis à renoncer au démon. Vient ensuite le «catéchuménat» (qui peut durer une douzaine d’années). Enfin, la phase «de l’élection» qui se conclut par un pèlerinage en Terre sainte…
Au total, ce Chemin dure une vingtaine d’années, avec de nombreuses rencontres hebdomadaires et mensuelles… Du coup, les membres n’ont guère de temps pour fréquenter des lieux extérieurs au Chemin. Si bien qu’ils se voient souvent reprocher de «vivre en vase clos»…
Claire LESEGRETAIN
(1) Catholique anonyme (Seuil, 222 p., 17€), qui a inspiré le récent film de son épouse, Anne Giafferi, Qui a envie d’être aimé ?
© La Croix 2011
01/03/2011 18:24
En France, le néocatéchuménat cherche à améliorer son image
Alors que le Saint-Siège vient d’approuver le «Directoire catéchétique du Chemin néocatéchuménal», cette communauté, qui compte plus de 2000 membres en France, fait des efforts pour se faire mieux connaître
«Ils ont de la ferveur, un réel souci d’annoncer l’Évangile, une vraie générosité», affirme d’emblée Mgr Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg, en soulignant que «l’évaluation faite dans son diocèse est bienveillante».
Comme lui, la plupart des évêques des quelque vingt diocèses de France où sont implantées des communautés du Chemin néocatéchuménal (1) reconnaissent que le Chemin répond bien à certaines attentes : évangélisation de ceux qui sont éloignés de l’Église ou qui n’ont pas été catéchisés ; insistance sur la communauté (permettant de sortir de paroisses trop impersonnelles) ; accent mis sur l’initiation chrétienne et le baptême…
Mgr Grallet se réjouit des «efforts de cohabitation intelligente et de confiance mutuelle» constatés lors d’une récente visite pastorale à Saint-Antoine-de-Padoue à Cronenbourg, en banlieue strasbourgeoise. Il s’agit d’un des deux pôles – avec Sainte-Thérèse à Mulhouse – que Mgr Joseph Doré, l’ancien archevêque de Strasbourg, avait confiés par décret au Néocatéchuménat en 2004, en y nommant curé le P. Pierre Abry.
Une «manière de célébrer de façon isolée»
Ce prêtre diocésain de 46 ans a connu le Chemin un an après son ordination. Séduit par ces «frères qui s’aimaient», le P. Abry entre dans le Chemin, ce qui l’amène à partir en «itinérance» pendant neuf ans – avec l’accord de son évêque d’alors.
Depuis sa nomination à Cronenbourg, il a su montrer aux paroissiens qu’il était «d’abord là» pour eux et non pour le Chemin. «En six ans, je n’ai pas déplacé un banc par respect pour les anciens», sourit-il en faisant visiter cette église des années 1960, dans laquelle il termine d’aménager en sous-sol plusieurs salles pour héberger les cinq groupes du Chemin rattachés à Saint-Antoine-de-Padoue.
Bon nombre de responsables d’Église évoquent toutefois de réelles difficultés avec les communautés du Chemin avec lesquelles ils sont en relation. À commencer par leur «manière de célébrer de façon isolée, à part des paroissiens ordinaires», comme le relève Mgr Pierre-Marie Carré, archevêque coadjuteur de Montpellier. «Quand le Chemin s’implante dans la paroisse, très vite elle se fracture», écrivait le théologien Henri Bourgeois, enseignant à l’Université catholique de Lyon, dans une Note sur le Néocatéchuménat .
Les membres du Chemin ont fait des efforts pour s’investir en paroisse
Les communautés du Chemin suivent en cela les volontés de leurs fondateurs, les Espagnols Francisco – dit Kiko – Argüello et Carmen Hernandez, désireux d’évangéliser les habitants des bidonvilles. Chaque communauté du Chemin néocatéchuménal se retrouve le samedi soir pour une eucharistie de deux heures, autour d’un autel carré dressé au centre d’une salle paroissiale.
En décembre 2005, le cardinal Francis Arinze, alors préfet de la Congrégation pour le culte divin, leur demandait d’abandonner certaines innovations jugées non conformes aux règles liturgiques de l’Église et d’assister une fois par mois à la messe dominicale.
Après quelques modifications dans ses règles de fonctionnement, le Chemin néocatéchuménal a été reconnu définitivement en juin 2008 par le Conseil pontifical pour les laïcs. En janvier, la Congrégation pour la doctrine de la foi a approuvé, après les avoir amendées, les catéchèses du Chemin néocatéchuménal.
Ces dernières années, les membres du Chemin ont donc fait des efforts pour s’investir en paroisse. Mais on les accuse alors de vouloir les «noyauter»… « Y aurait-il donc un seuil maximal de néocatéchumènes à ne pas dépasser au sein d’une paroisse ? » s’interroge le P. Érik Samson, assomptionniste qui a été curé de Saint-Esprit, une paroisse populaire de Montpellier où le Chemin est présent depuis une trentaine d’années.
«Inventer un néocatéchuménat à la française»
«Tant que, dans les différents groupes paroissiaux, le quota des membres du néocatéchuménat ne dépassait pas la moitié, ça se passait bien. Mais si ce quota atteignait les deux-tiers, les réunions ne se déroulaient plus de manière habituelle et les autres paroissiensse disaient étouffés», explique le P. Samson.
La question reste donc de savoir si le néocatéchuménat est soluble dans la pastorale ordinaire. Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg, est dubitatif : «Pour le moment, je ne l’ai pas encore vu… mais je ne dis pas que c’est impossible».
Il appelle d’ailleurs à «inventer un néocatéchuménat à la française, qui sache inscrire ses intuitions baptismales en prenant davantage en compte la culture de ceux auxquels il s’adresse». Selon lui, l’avenir du néocatéchuménat en France pourrait passer par une proposition de «cheminement sur quelques années» pour permettre à chacun de se réapproprier son baptême avant de s’engager par la suite dans sa paroisse ou dans d’autres mouvements d’Église. Les évêques et les curés de France ne le verraient alors plus «comme un concurrent mais comme un passage pour reprendre conscience de son baptême».
Claire LESEGRETAIN, à Strasbourg
(1) Le Chemin est implanté dans plus de 20 diocèses, soit 2000 membres et 60 communautés. Il compte 4 séminaires Redemptoris Mater (Avignon, Marseille, Strasbourg et Toulon) dans lesquels sont actuellement formés une soixantaine de séminaristes. À Paris, la Maison Sainte-Catherine de Sienne (qui n’est pas un séminaire) accueille une vingtaine de séminaristes du Néocatéchuménat qui sont en formation à l’Institut catholique de Paris.
© La Croix 2011