Secunews, 29 Février 2012
Sectes & Escroqueries
Une loi punit désormais l’abus de faiblesse
Votée le 26 novembre 2011, le Moniteur Belge vient de publier une «loi modifiant et complétant le Code pénal en vue d’incriminer l’abus de la situation de faiblesse des personnes et d’étendre la protection pénale des personnes vulnérables contre la maltraitance» (M.B. 23.01.2012). En effet, les tribunaux rencontraient des difficultés d’ordre juridique pour faire cesser les abus de mouvements sectaires ou de gourous animés essentiellement, mais souvent de façon occulte, par des objectifs d’ordre économique et de pouvoir. La synthèse du long travail de recherche et de préparation réalisé par le député A. Frédéric peut se lire dans un livre qu’il a consacré aux mouvements sectaires et intitulé «Broyeurs de conscience» (Luc Pire).
Qui est concerné par cette loi ?
Créant une nouvelle catégorie d’infraction dans le Code pénal, l’abus de faiblesse physique ou psychique, cette loi est importante en raison de sa volonté de lutter non seulement contre les organisations sectaires mais aussi de son souci de protéger toutes les personnes «vulnérables». Ainsi, sont considérés comme vulnérables : les mineurs (on retire le terme d’«incapables» pour lui substituer les mots «personnes vulnérables»), les handicapés physiques ou mentaux, les personnes âgées, les malades, et toute personne vivant une situation de vulnérabilité temporaire (les femmes vivant une grossesse par exemple).
A la notion de manipulation mentale, le législateur a préféré la notion d’abus de situation de faiblesse qui consiste à exercer sur une personne «des pressions graves et réitérées afin de créer ou d’exploiter un état de dépendance et de la conduire, contre son gré ou non à un acte ou à une abstention qui lui est gravement préjudiciable», selon C. Picard.
La proximité des termes manipulation mentale avec les stratégies déployées par les publicistes en vue d’emporter l’adhésion des acheteurs potentiels n’est sans doute pas indifférente à ce délaissement, de même que la difficulté de prouver cette manipulation mentale exercée par les sectes.
Des peines plus sévères
Le Code pénal a été revisité et de nombreux articles ont été amendés, complétés par une même disposition visant à la fois les atteintes à l’intégrité physique et mentale, les vols, l’abus de confiance, l’escroquerie-tromperie, les menaces d’attentat contre les personnes ou les propriétés, les viols et attentats à la pudeur, les meurtres ou menaces. La loi insiste sur le fait que ces situations de vulnérabilité doivent être soit apparentes soit connues de l’auteur des faits. La vulnérabilité des personnes constitue une circonstance aggravante qui entraîne un doublement des peines.
Dans le cadre de faits commis sur des personnes vulnérables, dans son article 442quater, la loi punit d’un mois à quatre ans d’emprisonnement et d’une amende de deux cents euros à deux mille euros, ou une de ces peines seulement l’acte ou l’abstention qui résulte d’une mise en état de sujétion physique ou psychologique par l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer la capacité de discernement.
Les mouvements sectaires sont ici spécialement visés car la loi donne la possibilité au juge de poursuivre une association ou personne morale. Ainsi, si l’acte ou l’abstention de la personne a causé sa mort, le juge peut prononcer une condamnation à la réclusion de dix ans à quinze ans.
Soulignons enfin que cette nouvelle loi autorise toute association qui jouit de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par statut de protéger les victimes de pratiques sectaires ou de la violence mais aussi de la maltraitance à l’égard de toute personne vulnérable, à porter plainte pour le compte des victimes, avec leur accord ou celui de leurs représentants.
En France, cette loi s’est révélée très efficace et elle a permis chaque année le prononcé de 6 ou 7 condamnations pour dérives sectaires mais aussi de 500 à 600 condamnations pour les abus et la maltraitance sur les personnes âgées.
Désormais, la Justice belge sera nettement mieux armée pour lutter contre les responsables des organisations sectaires nuisibles, d’autant plus que le secret professionnel pourrait être levé dans le cas d’abus de personnes en situation de vulnérabilité.
Gérard De Coninck
Docteur en criminologie
Source: http://www.ejustice.just.fgov.be/doc/rech_f.htm
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